De l’autophobie
On lit fréquemment dans les médias que la solitude est une situation que vivent beaucoup trop de nos contemporains, les ainés feraient même figure de roi en ce domaine. On imagine alors facilement que la pandémie actuelle et le confinement qui vient avec ont tendance à exacerber le phénomène.
Récemment, un des grands titres d’un quotidien bien connu de Montréal se lisait comme suit : «Confinement: la majorité des Canadiens souffrent de solitude» (voir l’article). Ainsi, s’il faut en croire les résultats d’un sondage Ipsos, plus de la moitié de la population canadienne (54%) fait le constat que la solitude les affligent. Heureusement, pour les plus de 55 ans de ce sondage, cette situation d’isolement n’est une souffrance que pour 40% d’entre eux. Peut-être qu’en ces temps difficiles, les conseils qui sont abondamment donnés aux plus jeunes de garder un contact soutenu avec les plus âgés portent fruits. Toutefois, il faut souligner que la solitude n’est pas que souffrance, surtout pour ceux qui en ont un besoin plus grand, que ce soit pour créer, réfléchir, méditer ou simplement relaxer. Pour plusieurs d’entre eux, et j’en connais, les moments de solitude sont même une nécessité. Malgré que pour eux, à la limite, le discours médiatique pourrait même créer un sentiment de culpabilité: «Pourquoi est-ce que moi je me conforte dans la solitude? Suis-je normal?» Un récent article d’opinion de l’artiste conceptuel Murphy Cooper, même si son propos est un peu excentré, pourrait permettre de voir autrement ce type de solitude assumé. Son propos porte plutôt sur la distanciation sociale (concept à la mode qui implique surtout la distanciation physique), mais la «vrai distanciation», comme il la conçoit. Il se décrit comme «Anxieux, introverti, travailleur autonome et hostile au small talk» précisant que son « entière vie s’articule autour de la distanciation sociale». C’est pourquoi il évalue que sa « bulle personnelle, [est] immense comme le Centre Bell». On comprend alors que cette personne ne sera probablement pas celle qui souffrira de solitude en premier! Par ailleurs, ne faut-il pas convenir que la dimension peine ou souffrance qui accompagne parfois la solitude est souvent conditionnée par le moment, le contexte, les circonstances dans lesquelles tout cela se conjugue? En terminant, citons un dernier extrait intéressant de l’article de M. Cooper qui laisse à penser que, oui, les médailles ont des revers : «Autant je cherche à maintenir une distance pour ne pas me sentir envahi, autant j’entretiens la crainte incessante d’être moi-même une nuisance pour quelqu’un d’autre.» (consulter l’article de M. Cooper). En conclusion une suggestion amicale aux autophobes, ces contemporains qui craignent la solitude, celle de profitez des inévitables moments d’isolement pour méditer sur la durée de… l’éternité.