De brume et de chaleur
La température, dans le sens du temps qu’il fait, occupe une place quasi démesurée dans le discours quotidien de nombreux Québécois.
Il est vrai qu’elle sert plus souvent qu’autrement d’introduction à la communication verbale. Ok, c’est parfois plus que l’introduction! On introduit, on en parle et on conclue même parfois en parlant d’elle.
Avouons toutefois que, d’une saison à l’autre, d’un mois à l’autre, d’une semaine à l’autre, d’un jour à l’autre, d’un avant-midi à l’après-midi, elle est tellement changeante et variable, qu’elle offre bien des sujets de conversation. Plus encore, elle joue aussi sur les humeurs, sur la consommation, sur les us et coutumes, sur l’alimentation, sur les obligations même. La température conditionne tellement de choses par ici. Pas surprenant qu’elle soit si omniprésente dans le discours. C’est ancré profondément dans la culture. On est élevé dans cette réalité et on apprend très jeune à en faire état.
La brume par exemple est un phénomène météorologique qui a fortement marqué mon enfance aux abords du Golfe Saint-Laurent. À Gaspé, durant la belle saison, un long ruban de brume entrait parfois dans la Baie en longeant la côte de Grande-Grève vers Cap-aux-Os et Saint-Majorique. On dirait aujourd’hui la pointe de Forillon mais ce terme était dénudé de sens il y a cinquante ans. Lorsque ce banc de brume se déplaçait lentement le long de la côte, je savais qu’on allait avoir plusieurs et plusieurs jours de fraicheur et d’humidité. Cet épais brouillard envahissait alors tout le bassin naturel de Gaspé, diminuait la visibilité, refroidissait l’atmosphère et assombrissait les humeurs. Je n’ai toujours pas compris pourquoi cette satané brume ne trouvait plus la sortie. Je ne me souviens plus si cela entrainait un sursaut de conversation autour du sujet mais cela me rendait toujours tellement triste. Peut-être même que cela a contribué à me rendre si frileux envers mon si beau pays d’origine. Beau, indéniablement, splendide même mais avec une saison estivale plus qu’éphémère à laquelle s’ajoute trop souvent cette brume humide et froide.
Heureusement la chaleur humaine des Gaspésiens compense cette faiblesse de la nature.